N'essuie jamais de larmes sans gants, de Jonas Gardell

 

 

 


 

Un narrateur omniscient nous permet de connaître à la fois l'histoire de l'amour entre Benjamin et Rasmus, et aussi nombre de faits sociétaux liés à l'histoire et à la répression de l'homosexualité,  -  en Suède dans les années 1980, et, plus largement, en Occident de l'antiquité à nos jours. 

Ce narrateur ménage ses effets, fragmente son histoire. Il passe sans prévenir, en un saut à la ligne, d'avant à après la mort, d'avant à après l'amour, d'avant à après l'annonce de la séropositivité d'un personnage. 

Tout comme Rasmus et Benjamin, que le début de leur vie "out" précipite tête la première dans une histoire dont ils maîtrisent pas tous les détours, nous sommes recouvert·e·s d'une matière émouvante, constituée des sensations et des images les plus fines qui soient de personnages auxquels il nous faudra nous accrocher pour arriver au bout du texte. Et cette matière si fine dont il nous recouvre, le narrateur se donne le pouvoir de la déchirer par endroits, de l'effilocher même, pour nous laisser prendre connaissance, à travers les ajours, des éléments de contexte, social, politique, économique, qu'il a placés là non pour constituer le décor de son roman, mais, peut-être, pour lui tenir lieu de cœur. 

Un roman à thèse, donc, dont les personnages n'existent (que ? ) pour nous guider dans un document émouvant et crucial sur l'histoire de la gestion de l'épidémie du Virus de l'Immunodéficience Humaine dans les années 1980 en Europe.
Le titre de ce roman est, en cela, une excellente façon de se figurer son contenu : une phrase magnifique, émouvante, qu'on pourrait croire fictive, et qui n'est autre que l'ordre donné par une infirmière à une autre, dans un hôpital stockholmois, en 1982.

K.A.

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